Les outils 

Commençons par ceux qui ont été placés à l’extérieur, dans le jardin ou la cour. Le marteau-pilon, nécessitait une embase spécifique sans laquelle le dessus du bâtiment aurait pu être endommagé par les vibrations. Il se présente maintenant comme une sculpture, colonisée par la clématite sauvage ou herbe aux gueux. La cisaille à boules est aussi une estampeuse avec laquelle enfants nous jouions à faire monter les deux bras sur leur vis sans fin avant de les rendre à la gravité en prenant garde de ne pas être heurté pendant leur descente, jusqu’au rebond final. Une telle machine vient d’être vendue à Drouot pour moins de 500 €. La valeur affective d’un objet est souvent inversement proportionnelle à sa valeur effective. Une cintreuse cercleuse est restée dans l’atelier tandis que l’autre trône au milieu des stipas cheveux d’anges et de quelques rosiers en bordure du parking. 

La perceuse à colonne à volant d’inertie est commandée par un système à courroies non protégées qui la rend inutilisable pour des raisons de sécurité. Elle est aussi visible en bordure du parking. Le bruit de la mécanique était envoutant. Il y avait en fond l’expression sonore du roulement entre des engrenages qui commençaient à avoir un peu de jeu. S’y superposait le bruit du cliquet anti-retour lorsque la fonction descente automatique pour la mèche était activée. Et bien sûr, la magie de la pénétration dans l’acier était soulignée par la plainte à laquelle l’outil et le métal consentaient. Elle changeait lorsqu’avec une burette on lubrifiait le foret avec un liquide à l’apparence du lait produit par un mélange d’eau et d’une huile. Les calories produites par l’énergie mécanique de découpe étaient évacuées dans le chuintement du liquide. À son changement d’état était associée l’émanation d’une odeur à l’élaboration de laquelle contribuaient le métal chaud et le lubrifiant. 

Les étaux ont dans la forge une présence essentielle. Deux sont posés contre l’établi en bois centenaire et le plus gros, magnifique, se tient à disposition près du foyer. Une poinçonneuse à chaud permet de percer les fers à chevaux. Deux enclumes de plus de 200 kg nous montrent qu’elles ont déjà bien vécu. Celle que nous utilisons le plus dispose d’une surface polie comme la poignée de commande du soufflet. C’est incroyable comme le passage répété de la main sur le métal nous gratifie par son aspect. Deux bigornes sur leur trépied en bois regardent plus qu’elles ne participent à nos activités. Avec les outils, il faut aussi évoquer la kyrielle des outillages, pour scier, arracher, limer, polir, pointer, marquer, tordre que seule une visite permettrait de découvrir.